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Inquiétante étrangeté
Transfiguration automnale
9 septembre 2013 10h28 · Le Cercle
L’automne s’annonce comme la fin d’un long cycle de développement
pour Le Cercle. Le Cercle tel que nous l’habitions depuis 5 ans se
meurt… animé d’une nouvelle vitalité qui le déborde, nouvelle force de
transformation active. Un cycle de re/naissance s’annonce qui culminera
sur les festivités entourant notre 6e anniversaire en novembre.Pendant cette période la direction artistique souhaite prêter regard aux dé-figures étranges de l’Inquiétant. Le phénomène d’inquiétante étrangeté affleure quand ce que la conscience tentait d’exclure de la perception fait retour. Une trouée accidentelle fait effraction dans l’image, générant en nous une sensation obscure. Cette faille intime qui inquiète au cœur du visible, est « ce lieu où l’intime se change en ombre déchirée et où le vivant et l’inanimé peuvent échanger leur place ».
L’inquiétante étrangeté est un sentiment « existentiel », au sens où il interroge de manière générale notre rapport sensoriel, affectif, pratique et cognitif au monde extérieur. Il rend certes compte de la désorientation du sujet face au monde contemporain dans lequel tombent les balises du familier, mais aussi de la constitution problématique de l’image.
L’image portant en elle tout à la fois la ressemblance et à la dissemblance, figuration et défiguration, la forme et l’informe, la sensation d’inquiétante étrangeté fait donc surface lorsque la vision se résorbe et donne sur cette ouverture unique et momentanée qui transgresse entre la vie et la mort. Signe d’une déchirure dans le temps qui rompt l’organisation aspectuelle du semblable, le phénomène d’Inquiétante étrangeté s’apparente à celui de dépersonnalisation.
L’œuvre de Gabriel Lalonde dé-couvre ce processus à déchirer le moi et à tyranniser toute formation unitaire. Le sentiment qu’elle provoque réitère la difficulté à même l’identification projective de se placer par rapport à soi, autre, mais plus encore à faire face à ce qui transparaît à même le corps des images.
L’exposition « Je suis le chemin que je suis « qui sera présentée au Cercle du 11 septembre au 3 novembre, , se présente comme un grand corps où se trace le phrasé même de la vie, souple, déformable et sinueux, qui se pense et se peint. L’œuvre de Lalonde se donne telle une matière explosive où le temps tourbillonne librement. « Tout va ensemble », « c’est tout des bouts » (dixit Lalonde) restitués au réel de la matière, restitués à l’immémorial qui propulse en même temps que la main s’englue dans le trait.
La trajectoire de Lalonde construite avec des morceaux, sans liens préconçus, sans développements ni méthode, semble ainsi délivrée du masque de cohérence qu’on imprime sur la fluidité de la vie réfléchie. À même le blanc de sa forme crevée, une surabondance de mouvements passe, s’y ébauche en tout sens, y laissant des traces vivantes, mais presque sans consistance.
Le trait s’y érotise de son propre mouvement, passe entre les plages de chair papier, ouvrant ainsi le corps au rayonnement de la matière fuyante. Jeté passionnément hors de soi, en un élan où la mort n’est plus le contraire de la vie, le corps est enfin libre de jouir de cette vibration qui l’anime à même la bascule du Souffle.
Inquiétante étrangeté donc d’ouvrir sa perception afin d’entrevoir les brèches et, par là, d’être soi-même entrevu, se laissant dessaisir, désorienter par l’Immense extérieur qui transfigure le geste de création.
Caroline Simonis, directrice artistique
LeCercle\SU Recherche & Développement